Laïcité : le fossé des générations
À l’occasion de l’anniversaire de la loi de 1905, Stéphane Lavignotte interroge le regard porté par les jeunes générations sur la laïcité. Plus formés à ses principes, ils n’en sont pas moins plus critiques, notamment face aux évolutions législatives récentes. En mettant en dialogue les lois de 1905 et de 2004, l’auteur éclaire les incompréhensions, les ruptures et les tensions qui traversent le débat, tout en y voyant le signe encourageant d’une jeunesse attachée à l’esprit critique, à l’égalité et à la liberté de conscience.
« Laïcité : les élèves mieux formés, mais plus critiques », tel était le titre d’un article du Monde du 10 décembre à l’approche de l’anniversaire de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. On y apprend que depuis la première « affaire du foulard » dans un collège de Creil (Oise) en 1989, l’enseignement des principes de la laïcité est devenu de plus en plus régulier dans les établissements scolaires français. Mais alors pourquoi des jeunes plus formés sont aussi plus critiques ? La première raison permet de se réjouir : c’est sans doute le signe que l’école apprend davantage à avoir un esprit critique, à penser par soi-même, qu’elle remplit donc son rôle d’émancipation.
Cet esprit critique des jeunes, souligne l’article, voit les élèves opposer volontiers la loi de 1905 à la loi de 2004 sur l’interdiction du voile à l’école. Ont-ils tout à fait tort ? La loi de 1905 sépare institutionnellement les Églises et l’État (plus de financement ni de pouvoir de l’un sur l’autre), établit la neutralité de l’État et la liberté religieuse. En 1905, ce qui doit être neutre ce sont les agents et les bâtiments de l’État, mais pas les usagers des services publics. Pour les usagers des services publics, la règle est la liberté religieuse. Ainsi, la loi de 2004 introduit une nouveauté : la neutralité attendue de certains usagers, en l’occurrence les élèves. Faut-il opposer 1905 et 2004 ? En tout cas, avoir l’honnêteté de reconnaître qu’il y a là une rupture et que ce motif de contestation de la part de la jeune génération est tout à fait entendable.
Émancipation
Les partisans de la loi de 2004 expliquent que cette interdiction doit permettre à l’école de proposer une émancipation du carcan familial. C’est la deuxième incompréhension avec la nouvelle génération. Toutes les enquêtes le montrent, le voile des adolescentes n’est pas vécu par la plupart d’entre elles et leurs camarades comme une imposition familiale, mais dans la plupart des cas comme un choix individuel, a fortiori à un âge où l’on cherche à affirmer sa personnalité. Le contresens entre générations est donc total : là où l’émancipation individuelle serait du côté de l’interdiction pour les adultes, il est dans le choix individuel de porter ou pas chez les jeunes.
Dernière opposition : qui est concerné par cette loi ? Le principe d’égalité devant la loi impose que cela concerne toutes les religions. Mais la loi est née sur fond de débat sur le port du foulard par des musulmanes. Il n’existe pas vraiment d’équivalent chez les chrétiens. Ainsi, tout en disant que cela concerne toutes les religions, la bonne foi oblige à reconnaître que cela vise en réalité une pratique musulmane. De la même manière, l’interdiction de se masquer le visage en public vise bien le voile intégral musulman.
Transmission
Ces deux lois font donc des circonvolutions pour viser des pratiques dans une religion en particulier. Pour la jeune génération, il y a là quelque chose de doublement révoltant : il lui est facile de pointer une hypocrisie et un traitement inégal. Quoi de pire quand on est ado ! Il est difficile de voir comment ce fossé entre générations pourra se combler. Mais derrière cette incompréhension, n’y a-t-il pas matière à se réjouir ? Cela ne montre-t-il pas une génération qui, plus que les générations précédentes, adhère et connaît la loi de 1905, développe son esprit critique, construit sa personnalité de manière plus personnelle (malgré les réseaux sociaux), refuse les injustices, les discriminations et les hypocrisies. Les adultes et les parents peuvent se réjouir, ils auront au moins réussi à transmettre cela !
Stéphane Lavignotte
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