Ceux qui mangent le pain des Français
Valérie Rodriguez, secrétaire générale de la Mission Populaire Évangélique de France réagit au projet de loi asile et immigration actuellement en préparation au parlement. Un texte qui va à l'encontre de toutes les valeurs d'accueil de notre mouvement. Adopté au Sénat, remaniée en commission des lois de l’Assemblée nationale, la loi revient le 11 décembre dans l'hémicycle.
Ce matin je me suis levée très tôt pour rejoindre l’une des Fraternités de la Mission Populaire, celle de St-Nazaire où je devais passer la journée. Je ne prends pas souvent le train aussi tôt le matin et j’ai rencontré des personnes que je croise rarement.
Dans le train ce matin, j’ai croisé celles et ceux qui mangent le pain des Français
Amina, visage fatigué, traits tirés, s’est levée très tôt, elle aussi, ; comme tous les matins d’ailleurs. Elle rejoint les tours de la Défense dans lesquelles elle fait le ménage. Son titre de séjour est arrivé à expiration il y a un mois déjà, mais c’est impossible d’avoir un RDV à la préfecture pour le renouveler. Elle a téléphoné 47 fois sans résultat. Son fils a essayé de prendre rdv par mail, mais c’est impossible aussi. Elle sait qu’une nouvelle loi se prépare, une loi qui rendra les choses encore plus difficiles. Elle s’inquiète pour elle et ses enfants. Pendant ce temps, sur les bancs de l’Assemblée nationale, certains taillent leur crayon pour taillader dans sa vie : loi asile et immigration, loi inhumaine, inique et injuste !
Dans le train, ce matin, j’ai croisé celles et ceux qui mangent le pain des Français
Kamal est assis sur la banquette, il a déjà enfilé son gilet orange pour travailler sur un chantier à l’autre bout de l’Ile de France. Depuis plusieurs années déjà, il a fait une demande de regroupement familial mais sa femme et son fils sont toujours en Inde. Ils attendent… Depuis plusieurs années, ils attendent. Lui dans le froid et la grisaille de la banlieue morose, eux dans la touffeur de leur village du Sud de l’Inde. Il a entendu des débats à la radio et compris que, si la loi était votée, ce serait encore plus dur de faire venir sa famille en France. Pendant ce temps, sur les bancs de l’Assemblée nationale, certains taillent leur crayon pour taillader dans sa vie, loi asile et immigration, loi inhumaine, inique et injuste !
Dans le train, ce matin, j’ai croisé celles et ceux qui mangent le pain des Français
Luisa vient du Cap Vert, elle somnole sur la banquette du train ; elle ne parle pas très bien français mais elle a trouvé du travail comme nounou dans une famille parisienne. Elle emmène les enfants à l’école, fait le ménage, la cuisine, récupère les enfants à l’école. Elle sait qu’elle devrait apprendre le français mais ses horaires de travail changent régulièrement et c’est compliqué de trouver des cours pas trop chers. Pour l’instant, elle travaille au noir, sa patronne lui a dit qu’elle n’aurait jamais son titre de séjour avec cette nouvelle loi si elle n’apprend pas mieux le français. Pendant ce temps, sur les bancs de l’Assemblée nationale, certains taillent leur crayon pour taillader dans sa vie, loi asile et immigration, loi inhumaine, inique et injuste !
Dans le train, ce matin, j’ai croisé celles et ceux qui mangent le pain des Français
Abdul est arrivé d’Afghanistan il y 3 ans maintenant. Il avait fait une demande d’asile mais a été débouté. Maintenant, il n’a plus rien. Il ne sait pas ce qu’il va devenir ni ce qu’il doit faire. Il ne peut pas retourner là-bas ; sur le tarmac de l’aéroport de Kaboul, les Talibans l’attendent. Il sait que le gouvernement français prépare une loi pour rendre les choses plus difficiles. Pourtant il travaille au noir dans un restaurant. Il fait la plonge. Pendant ce temps, sur les bancs de l’Assemblée nationale, certains taillent leur crayon pour taillader dans sa vie, loi asile et immigration, loi inhumaine, inique et injuste !
Que deviendront-ils, dans quelques mois, toutes celles et ceux qui mangent le pain des Français ? Que deviendront-ils quand, sur les bancs de l’Assemblée nationale, on mettra leur vie en pièces, on balayera leurs rêves et leurs espoirs ? Seront-ils embarqués dans des charters pour Dehli, Bamako ou Rabah ? Seront-ils accueillis en Syrie par les sbires de Bachar al Assad ? Pourriront-ils dans les prisons de Kandahar ?
Et nous, que pourrons-nous répondre quand on nous demandera : « Qu’as-tu fait de ton frère ? »
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