Qui et comment accueillons-nous ?
Valérie Rodriguez, Secrétaire Générale de la Mission Populaire Evangélique de France, interroge la posture de l’accueil inconditionnel, ADN de la Miss pop. Une posture exigeante qui signifie que chaque personne est digne d’être rencontrée véritablement.
Les mots ont leur importance. Et s’il est un débat fréquent à la Mission Populaire, c’est bien celui du nom que l’on donne aux personnes que l’on accueille dans nos Fraternités…
- Des usagers ? Comme un mouchoir qui, d’avoir trop servi, serait usagé … Alors nous sommes tous usagés, « fatigués de porter nos misères humaines », usés par la vie, les casseroles que l’on traine et nos fragilités ;
- Des bénéficiaires ? Qui, d’une prestation, tirent bénéfice ? Alors nous le sommes tous et toutes, nous qui nous nous nourrissons aussi de ces relations riches, de ces rencontres exceptionnelles, de ces temps offerts et reçus ;
- Des apprenants ? Nous apprenons tout au long de notre vie. Celles et ceux qui n’apprennent plus sont-ils encore vivants ?
- Des accueillis ? Mais qui accueille et qui est accueilli, est-ce que la frontière est aussi claire, aussi visible, aussi intangible ?
On pourrait encore varier cette liste à loisir et chacun de ces mots génère un rapport spécifique à l’autre, le met dans une posture particulière. Mais, au-delà des mots, quelle réalité vit-on dans les Fraternités de la Mission Populaire ? Quelle « posture » avons-nous choisi d’adopter ? La « juste distance avec l’usager » ? Le fait de « se protéger, ne pas se laisser impacter par la situation des personnes que l’on reçoit », « juste répondre aux besoins primaires de la pyramide de Maslow » comme me disait récemment un salarié ou bien « l’accueil inconditionnel » ?
La posture de l’accueil inconditionnel
Je crois que l’intuition et même l’ADN de la Mission Populaire se situent bien dans cette posture de l’accueil inconditionnel. C’est une posture exigeante, qui, de mon point de vue, est bien différente de celle du travailleur social. Il s’agit de quelque chose qui va au-delà même de l’accueil, une rencontre qui transforme les protagonistes. Je citerai volontiers Philippe Mac Leod * : « la rencontre me déplace, non seulement elle me bouleverse, elle me fait faire un chemin… une rencontre ne laisse jamais indemne ou sinon, ce n’en est pas une » ; il me semble que dans nos vies, rattrapés par le consumérisme ambiant, les yeux rivés sur nos téléphones portables, nous laissons peu de place, de moins en moins sans doute, à cet espace de rencontre, à ce temps long capable d’accueillir les silences, à la délicatesse nécessaire à cette rencontre véritable. Le livre de Philippe Mac Leod L’évangile de la rencontre, Jésus et la samaritaine (Ed. Artège) nous fait toucher du doigt l’essence même de cette rencontre, une rencontre rare.
Chaque personne est digne d’être rencontrée véritablement
Nous ne sommes pas tous et toutes, à la Mission Populaire, des travailleurs sociaux et n’avons pas nécessairement les compétences techniques d’un tel accompagnement, c’est un métier. En revanche, nous sommes capables de rencontrer. Nous sommes capables de poser sur l’autre un regard qui n’est pas celui d’un technicien du travail social (même si nous le sommes), un regard qui met l’autre, en face de moi, debout comme une personne, pas comme un usager ou un bénéficiaire. Alors on nous oppose bien souvent des arguments : « on accueille aussi les personnes violentes ? Les personnes en état d’ébriété ? ». L’accueil inconditionnel ne signifie pas que l’on doive accueillir à tout prix tout le monde à n’importe quel moment. Cela signifie plutôt que chaque personne est digne d’être rencontrée véritablement. Que peut-être à certains moments, elle n’a pas la capacité d’être rencontrée et qu’il faut différer la rencontre, il s’agit alors de le faire avec discernement et délicatesse. Mais si nous nous enfermons dans une posture de fermeture, de « juste distance » à tout prix, nous ne rencontrons pas … Dans les Évangiles, à plusieurs reprises, Jésus fût ému de compassion, être ému de compassion c’est se laisser profondément bouleverser par l’autre, par la rencontre de cet autre si différent de nous, cette personne, ni usager, ni bénéficiaire, juste une femme, un homme ou un enfant…
On ne peut donc être jamais tranquille !?
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