Texte Collectif : "Rejeter l’autre, c’est se renier soi-même"

La Mission Populaire Évangélique de France élève la voix avec force pour dénoncer, avec d’autres, les propos xénophobes et islamophobes qui résonnent dans l’actualité française ces dernières semaines.

Des individus, des partis politiques utilisent sans compassion les événements tragiques de l’actualité pour attiser la haine de l’étranger et susciter le rejet. Le drame de Kalamata au large des côtes grecques au cours duquel près de 600 personnes ont perdu la vie comme celui d’Annecy où un jeune Syrien, dont la santé mentale était altérée, ont servi d’énième prétexte aux xénophobes de tous bords qui se sont déchaînés dans une surenchère de propos et de comportements que la Mission Populaire Évangélique de France réprouve, rejette et dénonce avec vigueur.

Pêle-mêle, des discours émettent des doutes sur la religion chrétienne de l’assaillant, on affirme des contre-vérités sur les règles de l’asile en France et dans l’espace Schengen, on assimile immigration et délinquance, on récupère des drames sans penser aux familles des victimes ni aux victimes elles-mêmes…

Ces discours sont de plus en plus décomplexés et heurtent profondément le sens de la dignité, de la justice, de l’accueil inconditionnel de l’autre et de la défense des plus fragiles que prône et vit la Mission populaire.

Ces discours sont légitimés, de fait, par des dirigeants de notre pays, aujourd’hui comme depuis trop longtemps, qui ont coupablement validé l’idée que les racistes apporteraient de mauvaises réponses à de « bonnes questions ». Ces discours infusent l’opinion. Mais, c'est aussi hélas dans des agressions ou des propos quotidiens que se manifeste cette xénophobie ordinaire ; par exemple début juin, le barbecue de l’école de Villepreux (78), a été annulé sous la pression du groupe “Parents Vigilants”, affilié à l’extrême-droite, sous prétexte qu’une alternative au porc était proposée. L’actualité montre la persistance des discriminations et agressions sur la base d’une race ou religion supposée.

Les étrangers et les personnes racisées sont présentées comme des indésirables, voire des ennemis. À partir du vécu de nos Fraternités, nous témoignons qu’ils sont les victimes d’une discrimination systémique, d’un durcissement administratif de plus en plus inhumain.

Cette violence institutionnelle s’ajoute aux violences psychiques qu’ils ont subies dans leur parcours de migration ou dans le racisme et les discriminations quotidiennes. Alors que certains auraient besoin de soins, l’état de la psychiatrie en France ne permet pas de prise en charge à la hauteur des enjeux. Ce n’est pas sans lien avec les drames que notre pays a connus à Bordeaux ou à Annecy. Notre pratique d'accueil et d'accompagnement des migrants (cours de français, aide aux démarches pour leurs besoins essentiels, activités interculturelles ou interreligieuses…) nous montre que si la rencontre de l’autre peut parfois nous questionner, elle est surtout l’occasion d’enrichissements et de grandir ensemble en humanité.

Nous témoignons que, dans nos quartiers et Fraternités, nous sommes des lieux paisibles du vivre ensemble. Loin de “déciviliser” la France et sans nier les tensions que connaissent toutes les communautés humaines, cette diversité construit un universel plus accueillant et fraternel. Eux et nous construisons ensemble la société d’aujourd’hui et de demain, qui s’est toujours enrichie des vagues de migrations.

La Mission populaire est inquiète de cette situation. Elle apporte son soutien à toutes celles et tous ceux qui luttent contre le racisme ordinaire, la xénophobie galopante et les récupérations politiques et médiatiques honteuses.

Rejeter l’autre, c’est se renier soi-même.

Signataires du texte

Sylvain Cuzent, Président de la Mission Populaire Évangélique de France

Pierre-Olivier Dolino, Pasteur-directeur de la Fraternité de la Belle de Mai, Marseille (13)

Valérie Rodriguez, directrice de la Fraternité de Trappes (78)

Peter Marquis, président de la Fraternité de Rouen (76)

Laetitia Bastien, directrice de la Maison Verte, Paris 18e

Stéphane Lavignotte, pasteur, animateur théologique national, coordinateur de la Maison Ouverte, Montreuil (93)

Mélanie Mégnin, Coordinatrice de la Frat'Aire de Montbéliard (25),

Laure Fillion, Directrice de la Fraternité de Saint-Nazaire (44)

Benjamin Mangado, Directeur du Foyer Protestant de la Duchère, à Lyon (69)

Isabelle Sagnard, présidente du Foyer Protestant Lyon la Duchère (69)

Guy Vernay, administrateur du Foyer Protestant de la Duchère - Lyon (69)

Monique Rigole, administratrice du Foyer Protestant de la Duchère - Lyon (69)

Claire Nicolas, présidente de la Maison Ouverte, Montreuil (93)

Olivier Saint Jalmes, coordinateur aux Œuvres sociales de la Fraternité à Nantes (44)

Aïna Brudey, Responsable de la Fraternité du Picoulet (Paris 11e)